
Aujourd’hui, c’est son anniversaire de naissance. Il y a deux dates que je retiens de sa vie. Sa date de naissance et la journée de son décès.
Cette fille-là, je n’ai pas de mots pour la décrire adéquatement et à ma satisfaction. Alors, je ferai comme d’habitude: j’écrirai un texte qui s’étendra sur des paragraphes, comme moi, qui est raconteuse, placoteuse et qui refuse de se taire…
Les mots sont comme des étiquettes, ils sont fragiles, incomplets, et souvent peuvent même induire en erreur celui qui les entend. Et pourtant, c’est tout ce que nous avons pour communiquer…
Tant que nous ne pourrons pas faire de télépathie efficace!
Chaque année, et même deux fois l’an, je pense à elle. Je me rappelle tout ce qu’elle m’a donné. Tout ce qu’elle a donné aux gens qui l’aimaient et même à ceux qui ne l’aimaient pas.
Elle me disait vers la fin qu’elle avait des défauts. Et moi de rire et lui dire que depuis 1965, je n’avais pas réussi à lui en trouver un seul! « Mais, écoutes, on arrête pas de me dire que je suis contrôlante!”Et moi: “Ben clisse! Faut bien qu’y en ait une qui contrôle quand personne ne prend ses responsabilités, qu’y font pas c’qui’z”ont à faire!!!!”
Alors, à ma soeur, à ma “cousine”, à mon amie qui n’a jamais dit un mautadit mot sur mes choix parfois fort discutables au niveau des hommes ou d’autre chose.
A elle, je tiens à rendre hommage du mieux que je pourrai.
Anecdotes:
- Colette a un jour dit à ses parents qu’elle aimerait avoir une soeur. Comme son père et sa mère considéraient que deux enfants déjà c’était une famille complète…et sachant que c’était une amie, une confidente de son âge qu’elle voulait, ont décidé de prendre une enfant de l’aide sociale et c’est moi qui ai eu cette chance, ce privilège-là.
- C’est grâce à elle (et à eux) si j’ai eu une adolescence heureuse et que je suis devenue qui je suis aujourd’hui. Dieu seul sait ce qui serait arrivé s’il avait fallu que je tombe sur une famille d’accueil qui n’avait pas de coeur!
- Un jour que nous devions aller à la Ronde avec son nouvel amoureux, je devais avoir 17 ans et elle 14 ou 15, mais ça… suis pas certaine…. bref… Stéphane refusait que j’aille avec eux disant que j’étais laide et que lui ne se tenait pas avec des laiderons… Elle lui a répondu du tac au tac: “C’est bien plate mais, si Denise ne vient pas avec nous, je n’irai pas non plus!” Vous imaginez? 15 ans et déjà mature et sage comme cela. Peu de temps après, elle rompait avec lui car disait-elle, il était trop superficiel.
- Nous sommes quelques années plus tard dans un autobus sur le boulevard Rosemont et je lui annonce que je suis enceinte et que j’ai un peu peur car même à 25 ans, je ne me sens pas très prête à être une maman. Et elle, tout ce qu’elle trouve à me dire c’est “Es-tu bien sûre que c’est ce que tu veux (mettre un bébé au monde)?” Pas de jugement, pas de sermon, pas de désapprobation qu’une interrogation dénuée de tout point négatif, affectueuse même. Et moi de répondre spontanément: “Oui”. C’était Colette.
Colette qui a aimé mon fils un peu comme le sien. Qui m’a entendu rire, pleurer, danser, sourire, chanter faux, provoquer un peu beaucoup par mes propos “séparatistes”, féministes, athées! Et qui n’a jamais failli à m’aimer. Telle que j’étais.
J’étais rebelle. Féministe, un peu rockeuse et risqueuse sur les bords. Je fumais, je dansais jusqu’aux petites heures du matin, je me faisais des amoureux qui étaient assez souvent des “bad boys” et elle, toute calme, toute douce, vivait une vie équilibrée, peu d’abus, pas de folies plus qu’il ne fallait. Je commençais à fêter à minuit et elle déjà baillait aux corneilles et pensait aller se coucher.
Ah non! Elle n’était pas plate, pas ennuyante. C’était une fille modérée. Moi, disons que vous me voyiez et m’entendiez de loin. Elle, non. Pas effacée mais si belle qu’on la voyait aussi de loin. Ne se maquillait pas. N’en a jamais eu envie ou besoin plus qu’il ne faut.
Quand elle avait à défendre son point de vue, son opinion, elle y allait calmement, avec confiance et sans hausser la voix comme moi.
Je l’ai ramassée à la petite cuillère lors d’une séparation houleuse où sa mère m’avait téléphoné car elle craignait pour sa fille. J’étais allée dans sa chambre assise à côté d’elle et je l’avais écoutée pleurer toutes les larmes de son corps et me raconter sa douleur de perdre celui qu’elle aimait tant. Ce soir-là, sa souffrance était si grande que je n’ai pas osé la prendre dans mes bras. Elle me faisait l’effet d’une écorchée vive.
Heureusement, elle s’est remise de toute cette peine et a pris soin de sa vie, de sa carrière et de ses enfants.
Je vous l’ai dit, je n’ai pas de mots pour bien la définir, bien la cerner pour que vous compreniez qui elle était.
J’ai tout plein d’autres souvenirs avec elle:
Nos sorties dans les bars oui. Mais aussi, adolescentes, quand sa mère nous apprenait à coudre nos vêtements et que souvent nous aimions les mêmes couleurs, les mêmes pantalons, les mêmes “bottes à gogo”. Les vacances à Rivière-du-Loup où nous faisions un peu “nos fraîches” parce que de la grande ville.
Nous aimions aussi souvent la même musique (les Beatles, Jethro Tull, Shawn Philips, Janis Joplin, les Mamas and the Papas etc). Par contre mes goûts étaient plus “garrochés” que les siens. Je trippais sur les Stones, sur Eric Clapton, Les Doors, CCR et bien d’autres. Colette était plus douce dans ses choix musicaux.
Voilà. C’est une partie de mes souvenirs avec elle. Juste une petite partie.
Un jour peut-être, je raconterai autre chose de mes souvenirs. Du temps fou que nous vivions dans les années 60-70 et même 80.
Comme j’ai dit à ses parents à ses funérailles, nous avons tous et toutes nos souvenirs, tous et toutes une parcelle de Colette, une partie de notre chère soeur, fille, amoureuse, conjointe, mère, cousine et nièce qui est propre à nous seulement. Un bout de trésor de notre belle et lumineuse compagne sur cette terre. Une âme si belle et si facile à aimer.
Tu me manques ma belle grande! Et non, le miracle ne s’est pas accompli Colette. Nous ne vieillirons pas et ne ferons pas de belles petites vieilles ensemble comme tu aurais tant aimé.
Je t’aime. Pour toujours.
Bel hommage. On dit qu’on choisit ses amis, mais pas ses frères et soeurs. Parfois, on fait les deux.
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