
Je suis de la génération où on devait porter un uniforme même à l’école publique. Au primaire comme au secondaire. Y avait du bon là-dedans: Personne ne pouvait se présenter en classe avec des vêtements signés et faire son « frais » ou sa « fraiche ». Tout le monde était sur le même pied d’égalité. On pouvait à peine savoir qui provenait d’une famille pauvre ou favorisée par le sort.
Evidemment, nous n’avions pas le droit de porter des jupes trop courtes!
En 1969, le professeur m’a retournée à la maison pour échanger ma micro-jupe pour une jupe plus longue. C’est vrai qu’elle était tellement courte que je ne pouvais pas me pencher…
Les jeans??? Oh! qu’il n’en était absolument pas question! Et ce même en 1970-71. D’ailleurs, en ce temps-là, on n’aurait jamais toléré une grêve d’étudiants dont le motif aurait été de pouvoir porter des jeans ou des shorts! Nos parents nous en auraient fait des manifs eux! Nous aurions été avertis et, en cas de récidive:c’eût été l’expulsion de l’école. C’était encore le temps où on considérait que les jeans ne se portaient que pour les déménagements, la peinture, le travail à la ferme. Si vous avez vu la série « Madmen », disons qu’au début des années 70, ça ressemblait encore un peu à ça quand j’ai commencé à travailler. On voyait les hommes en habit même les postes subalternes et les femmes étaient toujours tirées à quatre épingles.

Il est bon de se rappeler que la tenue vestimentaire recommandée dans une école privée ou publique a un but précis: nous habituer aux exigences vestimentaires du monde du travail.
Si on travaille en usine, on ne portera pas le même style de vêtements que si on a un emploi dans un bureau d’avocats ou qu’on est femme d’affaires. Un courtier immobilier ne sera pas pris au sérieux s’il revêt un chandail de « death metal » avec des bermudas qui lui descendent aux genoux!
En 2012, un des directeurs de service du Ministère où je travaillais a dû retourner une employée chez elle parce qu’elle portait un décolleté digne d’une soirée de gala et une jupe si courte que lorsqu’elle se penchait, on voyait sa petite culotte… Et croyez-moi, elle ne pliait pas les genoux.
Notre clientèle étant majoritairement composée de vétérans et de militaires, nous ne pouvions tolérer qu’une employée s’habille comme si elle allait danser autour d’une pôle dans un bar de danseuses. Si nous voulions conserver notre réputation professionnelle, il n’était pas question que la direction tolère ce type de comportement outrancier.
Il est quand même important de souligner qu’en ne respectant pas le code vestimentaire relié à son emploi, elle a malheureusement raté une belle occasion de faire une carrière intéressante et payante.
Bien sûr, le propre de la jeunesse est de repousser les limites et de tester les interdits de la société. Notre responsabilité est de leur insuffler le désir d’être respectueux d’eux-mêmes et des autres, tout en se permettant des petites entorses aux exigences vestimentaires.

J’ai beau avoir été du genre à adorer les jeans, les blouses paysannes, les ponchos et autres trucs qui allaient bien quand j’étais étudiante; lorsque j’ai commencé à travailler, il a bien fallu que je m’adapte à l’environnement dans lequel j’évoluais.
Ce que je déplore un peu ces temps-ci, c’est que ma génération a tellement rejeté les règles vestimentaires établies avant elle que maintenant, il n’est pas rare de voir arriver à un baptême, un mariage, un enterrement ou un party de Noël, une fille avec des jeans déchirés ou une blouse dont le décolleté lui descend au nombril, ou un gars habillé comme s’il arrivait du chantier de construction.
Autrefois, on s’habillait trop rigidement, on avait des règles trop strictes. Aujourd’hui, on est à l’autre bout du balancier. On a perdu le « milieu », l’équilibre. Maintenant, sous prétexte qu’on est libre qu’il ne faut brimer personne, on est dans le « trash », le sans goût, le n’importe quoi.

Alors, qu’il suffit de trouver où est notre centre.
Un moment donné, si j’y pense, je verrai à écrire un texte sur les messages inconscients qu’on envoie aux autres par nos tenues vestimentaires. Ils parlent fort de nous les vêtements qu’on porte, notre maquillage, notre coiffure. Ils disent ce qu’on veut crier mais parfois, ils montrent à la face de l’univers ce qu’on aimerait dissimuler intérieurement.
Quand pour une fête familiale, je vois mes nièces vêtues de jolies robes qu’elles ont pris la peine de choisir pour la soirée, cela me fait plaisir. Parce que je me dis qu’elles marquent ainsi un événement hors du commun, que ce soit fêter les 90 ans de leur grand-mère ou simplement fêter le 10e anniversaire de mariage de leur cousin. Nous avons si peu d’occasions de souligner des événements importants dans nos vies, qu’une fois de temps à autres, on peut se donner la peine de sortir notre « beau linge »!
L’être humain a besoin de rituels. A force de les refuser, on en vient à banaliser les événements importants de notre vie. Au fond, on contribue à les effacer.
