
Pas d’accord, car pour ajouter mon grain de sel, je rajoute ceci:
Au Québec:
La chicane chaque semaine quand le père ramenait la paie à la maison et qu’il n’y en avait pas suffisamment pour nourrir la famille ou payer le loyer.
Tout n’était pas rose!
Arrêtons de dorer ce temps-là. Ce n’était pas le temps des licornes, loin de là!
Surtout au Québec, on était en général pauvre, très pauvre si on vivait en ville. Si on était à la campagne, sur une ferme, on mangeait à notre faim mais, nos frères et soeurs n’avaient pas de bottes d’hiver qui en vaillent la peine. On s’échangeait les vêtements et les manteaux d’hiver de l’aîné au benjamin.

Quant à nos soeurs, elles étaient sacrifiées: pas d’études secondaires pour elles afin de permettre à leurs frères de poursuivre leur éducation parce que ce serait eux les chefs de famille, les pourvoyeurs. Les filles n’avaient qu’un avenir: se marier, faire des petits et dépendre de leur mari après avoir été à la charge de leur père. Ou encore entrer chez les religieuses et ne plus être une charge financière de leurs parents.
Désolée mais ce temps-là n’était pas un temps béni.
Et même alors, les valeurs, le respect, l’amour et la solidarité n’étaient pas généralisés.
Je pourrais m’étendre en long et en large sur ce sujet. Ne serait-ce que de raconter comment les hommes passaient souvent leur temps à la taverne après avoir eu une journée harassante au travail, avec pas du tout envie de rentrer et d’entendre les jérémiades de leur épouse. Ou comment la femme exaspérée avec trop d’enfants sur les bras se gavait de 222 afin de combattre son stress et sa dépression. Je pourrais aussi raconter comment trop souvent j’entendais les voisines parler dans le dos les unes des autres.
La misère a rarement un joli visage tout joyeux et tout propre.

J’en parle en termes moroses car encore récemment, ma mère adoptive me racontait qu’elle regrettait plus que tout au monde de ne pas avoir pu aller plus loin que sa 7e année. Elle aurait voulu s’instruire comme les garçons; très intelligente, elle aurait aimé faire plus que d’élever une famille. Elle ne dénigre pas cette vie non, elle a très bien réussi son métier d’épouse, mère et soeur, elle a participé activement à des mouvements et associations de femmes etc. Mais dans sa Gaspésie natale, avec une grande famille, ses parents ne pouvaient que faire instruire leurs fils. Les filles aidaient à la maison et parfois travaillaient en usine, rendues à Montréal, en attendant l’homme qui viendrait les « sauver » de cette existence calme oui, tricotée serrée bien sûr mais, incomplète.
J’ai été élevée avec de bonnes valeurs, cela je ne le nie pas. Mais, dès l’âge de 11 ans quand j’ai dit à mon père que je voulais aller au secondaire pour m’instruire et gagner ma vie, il a ri et m’a dit qu’une fille n’avait pas besoin d’études pour changer les couches. Nous étions en 1962.
C’est de cette conversation qu’est né mon désir de poursuivre mes études le plus longtemps possible, de ne pas me marier, de gagner ma vie afin de ne jamais dépendre financièrement d’un homme et de partir si jamais mon conjoint ou mon amoureux me rendait la vie trop difficile, me rabaissait ou levait la main sur moi.
Bien sûr, mon expérience de vie n’efface pas les souvenirs de ceux et celles qui ont vécu une enfance heureuse et choyée, inconscients parfois des énormes sacrifices que leurs parents ont fait pour les nourrir, éduquer, prendre soin d’eux, leurs acheter des vêtements et des cadeaux.
Comme chez beaucoup d’enfants issus de quartiers pauvres, j’ai appris vite à me débrouiller, à ne faire confiance qu’à moi-même. Les histoires d’amour de Prince Charmant, les romans du style Harlequin ou Danielle Steel, n’ont jamais collé avec moi. J’ai trop vu le revers de la médaille.
Enfin, oui, j’ai eu une bonne éducation. Les religieuses s’en sont chargées et je suis qui je suis aujourd’hui grâce à elles et à la famille Pelletier. Mais beaucoup par la force de ma volonté et de mon intelligence.
Pour moi, les gros poêles à bois et les bains sur pattes dont raffolent les fans finis de la décoration, n’entreront jamais dans ma maison. J’ai encore trop souvenir des nuits d’hiver oû je devais me lever et ajouter du bois dans le gros poêle en fonte parce qu’on gelait dans la maison et que ma mère devait faire chauffer des cuvettes d’eau pour les transvider dans le vieux bain qui n’avait pas l’eau chaude. Je n’ai pas cette nostalgie-là!
Je ne dis pas ça pour faire pitié. J’ai depuis longtemps dépassé ce stade. Mais simplement pour illustrer l’autre côté de la médaille.
Et je continuerai de le raconter tant que je sentirai que cela peut faire réfléchir ou comprendre ce que furent les années 50-60 à Montréal, dans le Red Light, le Faubourg à Mélasse ou à St-Henri. Aussi pour faire taire ceux qui nous parlent constamment du « privilège blanc »!
Allez bonne journée de janvier 2022. Il paraît qu’il fera très froid cette nuit. Ayons au moins une pensée pour ceux qui auront froid et faim cette année.