
Que je déteste cette phrase. Je la rejette et elle me met en colère depuis que j’ai l’âge de travailler.
Car on me l’a dite la première fois pour m’inférioriser, pour me remettre à ma place de secrétaire; plus tard, dans ma vie professionnelle, on me l’a servie afin de me remettre à mon rang de simple fonctionnaire.
Traduction: « On peut te mettre à la porte demain. Ou même aujourd’hui. Personne n’est irremplaçable ».
L’art de manipuler quelqu’un qui a le malheur de vouloir se tenir debout, de vouloir prendre sa place ou tout simplement de réclamer un meilleur salaire, des conditions de travail améliorées.
Une autre version aussi dommageable: « Tu peux partir. N’importe quand. Demain matin, il y a 50 filles qui vont attendre en ligne pour avoir ta job ». Celle-ci me fut servie parce que j’avais eu le malheur de demander une augmentation de $1,000 par année car j’étais la seule bilingue de tout le bureau et que j’avais donc un surplus de travail. La petite canadienne-française de service!

Par contre, ma réponse aurait pu être: « Parfait, s’il y a 50 filles qui attendent, ça veut dire qu’elles ne sont pas aussi compétentes que moi et que j’ai donc une chance de me trouver un meilleur emploi ailleurs! ». Ce qui est arrivé en même pas une semaine!
L’utilité de cette malheureuse phrase est de jouer avec nos émotions, de rabaisser quelqu’un qui a une estime de soi fragile ou qui pourrait être un concurrent sérieux ou un obstacle à une promotion.
A vingt ans, je croyais qu’on pouvait me remplacer facilement. J’estimais que c’était effectivement possible.
Plus j’ai pris de l’expérience et de la sagesse, plus je me suis rendue compte du petit jeu qu’on me jouait. Et ça a été fini! Curieusement, plus personne ne me l’a servie quand j’ai eu plus de 20 ans d’expérience. Enfin, celui ou celle qui a osé me la sortir s’est fait remettre à sa place assez rondement.
Je me souviens d’un patron. Je m’étais récemment qualifiée pour un poste supérieur avec un bon revenu. J’avais étudié des semaines durant pour pouvoir passer l’examen avec succès. Ce qui était arrivé. J’étais donc la première sur la liste des candidates potentielles. Mon patron n’était pas satisfait car je n’étais pas du genre lèche-botte et que je lui tenais parfois tête quand j’estimais que telle ou telle directive pouvait nuire à ma clientèle vulnérable. Quand il m’a fait entrer dans son bureau pour me faire des reproches, il m’a dit « N’oublie pas que c’est grâce à moi que tu as eu ce poste! » Et que je pourrais… » Je me suis levée de mon siège, en colère, et je l’ai pointé du doigt en l’interrompant: « C’est faux! Et Tu ne me dis plus jamais ça, ok? » C’est pas vrai et tu le sais! » J’ai probablement sacré car il a reculé dans son fauteuil! Et je suis sortie de son bureau.
Je n’étais pas la fonctionnaire typique qui respecte le règlement à la lettre et qui prend des décisions aveuglément.
De ce jour, j’ai été tassée du groupe. Subtilement mais quand même! Mais je m’en foutais parce que je connaissais ma valeur.
Je ne serais pas surprise que ce patron, lorsqu’il a pris sa retraite, ait informé sa successeure de mon attitude qu’il n’appréciait pas du tout.
Mais, ça… je m’en balançais.
Toutefois, quand j’ai pris ma retraite, l’organisation de ma fête de départ en a souffert, je crois. Pas tant par mes autres compagnons de travail que par l’équipe rapprochée au sein de laquelle je travaillais. Ca, je ne m’en foutais pas. La clique m’a fait sentir que je ne faisais pas partie de ses rangs. Je l’ai encore sur le coeur. Mais bon! Que voulez-vous comme disait l’autre.
Alors, chaque fois que j’entends ou je lis cette phrase, je réagis. Parfois, je hausse les épaules, d’autres fois comme aujourd’hui, je réagis. Ou je ris.
Bonne journée à tous ceux et celles qui se sont un jour fait dire qu’ils étaient facilement « disposables », remplaçables.
